LA PROTECTION DES PARTICIPANTS A LA RECHERCHE AU CAMEROUN DANS LA LOI DU 27 AVRIL 2022

P. L. FOTUE KENGNE

Résumé


Le 27 avril 2022, le législateur camerounais a adopté la loi n°2022/008 relative à la recherche médicale impliquant la personne humaine. L’analyse de cette loi, dont l’objet peut donner l’impression que le législateur ne s’intéresse pas à la question de la protection des participants à la recherche, révèle en réalité qu’en conformité aux normes internationales contenues dans le Code de Nuremberg, les Déclarations d’Helsinki et de Manille, il a fixé des mesures générales de protection des personnes impliquées dans toute recherche en santé. Plus précisément, il a consacré de nombreux principes directeurs de la recherche dont certains visent la protection des participants, auxquels il a également reconnu des droits. De plus, il a imposé des obligations aux acteurs de la recherche (investigateur et promoteur) et organisé strictement le suivi des projets de recherche. Par ailleurs, compte tenu de la gravité des risques liés aux essais cliniques, le législateur camerounais a prévu des mesures particulières de protection des participants aux essais, en renforçant les conditions de réalisation ainsi que les obligations des acteurs.


Texte intégral :

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Références


Sur l’histoire des essais cliniques, par exemple, v. Jean-Philippe CHIPPAUX, Pratique des essais cliniques en Afrique, IRD éditions, Paris, 2004, pp. 33-46.

Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), La recherche avec des êtres humains. Un guide pratique, 2009, p. 51.

Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., pp. 227-228.

Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), op. cit., p. 51.

Sur la question, v, notamment, Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., pp. 33-46 ; Ismael NGNIE-TETA, Claude Ariane KAMGA YOUMBI, Madzouka KOKOLO et Guy Bertrand FUMTCHUM TAMDEM, « Le comité d’éthique de la recherche au Cameroun : la décentralisation comme solution ? », Cahiers de recherche sociologique, numéro 48, automne 2009, pp. 129-139 ; Fahimy SAOUD, « Les recherches cliniques Nord/Sud : des recherches équitables ? », Les ateliers de l’éthique, volume 2, numéro 1, printemps 2007, pp. 72-74.

V. notamment, J. P. DEMAREZ, « Le CCPPRB, des origines à demain. CCPPRB, past, present, future », La Lettre du Pharmacologue – volume 18 – n° 2 – avril-mai-juin 2004, p. 60 ; Fabienne DORLENCOURT et Dominique LEGROS, « Ethique et recherche dans les pays en voie de développement », adsp n° 31, juin 2000, p. 75.

Bruno HALIOUA, Le procès des médecins de Nuremberg. L’irruption de l’éthique médicale moderne, Toulouse, Editions Erès, 2017.

Cf. paragraphe 1 du Code de Nuremberg.

La Déclaration d’Helsinki fut révisée en octobre 1975 (assemblée générale de Tokyo, Japon), en octobre 1983 (assemblée générale de Venise, Italie), en septembre 1989 (assemblée générale de Hong Kong, Chine), en octobre 1996 (assemblée générale de Somerset West, Afrique du Sud), en octobre 2000 (assemblée générale d’Edimbourg, Ecosse), en octobre 2002 (assemblée générale de Washington DC, Etats-Unis d’Amérique), en octobre 2004 (assemblée générale de Tokyo, Japon), en octobre 2008 (assemblée générale de Séoul, République de Corée) et en octobre 2013 (assemblée générale de Fortaleza, Brésil). Sur la question, v. AMM, Déclaration d’Helsinki - Principes éthiques applicables à la recherche médicale impliquant des êtres humains, Octobre 2013, p. 1 ; Xavier AUREY, « Déclaration d’Helsinki et révisions successives », Fondamentaux.org, 2013 [http://www.fondamentaux.org/?p=371]

J. P. DEMAREZ, « La Déclaration d’Helsinki : origine, contenu et perspectives », La Lettre du Pharmacologue – Volume 14 – n° 8 – octobre 2000, p. 168, note 9.

CIOMS, Lignes directrices internationales d’éthique pour la recherche en matière de santé impliquant des participants humains, 4e éd., Genève, 2016, 104 p.

En ce sens, J. P. DEMAREZ (« La Déclaration d’Helsinki : origine, contenu et perspectives », op. cit., p. 167) affirme que : « La finalité de ces textes est purement individuelle. "Le médecin est libre d’en suivre les prescriptions ou de ne pas les suivre, et seul le médecin qui entend se conformer à ces règles se comportera en tout point selon l’attitude préconisée, ce qui est le propre de la règle morale. Elle est suivie par les seules personnes qui souhaitent agir en conscience, selon ses prescriptions". C’est là affaire de conscience, parce que la morale confie à l’individu lui-même la poursuite de sa propre perfection ».

Sandrine CLAVEL, Droit international privé, 5e éd., Dalloz, Paris, 2018, p. 12.

L’origine française de cette loi montre que l’ajout de l’adjectif qualificatif « médical » est une erreur commise par le législateur camerounais. En effet, la loi française dont elle s’est inspirée est intitulée : Loi n°2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine.

Dans les développements qui suivent, nous utiliserons indifféremment les expressions « recherche impliquant les êtres humains », « recherche en santé » ou « recherche médicale », la dernière expression devant s’entendre de manière large, incluant les recherches en biologie et les recherches en SHS.

Elles sont constituées de la recherche en biologie et la recherche en médecine, c’est-à-dire la médecine conventionnelle ou moderne et la médecine traditionnelle ou alternative.

En abrégé, recherches en SHS.

Encore appelée la médecine alternative, parallèle ou douce, elle est définie comme « la somme totale des connaissances, compétentes et pratiques qui reposent, rationnellement ou non, sur les théories, croyances et expériences propres à une culture et qui sont utilisées pour maintenir les êtres humains en santé ainsi que pour prévenir, diagnostiquer, traiter et guérir des maladies physiques et mentales » (Extrait du discours prononcé par le représentant du Ministre de la Santé Publique au Parlement, le 25 juin 2020, in Bulletin de Médecine Traditionnelle, N° 1, 2020, p. 4).

Groupe en éthique de la recherche, « Chapitre 11. Recherche interventionnelle », Octobre 2016, p. 1, https://ethics.gc.ca/fra/documents/chapter_11_FR.pdf, consulté le 31 août 2022.

Définis comme « toute étude systématique d'intervention chez une personne volontaire, malade ou saine qui porte, entre autres, sur les médicaments et autres produits biologiques, les actes chirurgicaux, les techniques radiologiques, les dispositifs, les thérapies comportementales, les changements dans les protocoles de soins, les soins préventifs, afin d'évaluer les effets de ces derniers sur la santé » (art. 4, 12e tiret, de la loi du 27 avril 2022).

Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), op. cit., p. 101.

Ibid.

Ibid.

On les appelle encore les sujets de recherche.

Art. 4, 17e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

V. art. 4, 12e tiret, art. 32, alinéa 2, et art. 53 de la loi du 27 avril 2022.

V. art. 15 et 16 de la loi du 27 avril 2022.

V. art. 17 de la loi du 27 avril 2022.

V. art. 19 de la loi du 27 avril 2022.

V. art. 25 et 26 de la loi du 27 avril 2022.

On l’appelle aussi le chercheur ou l’expérimentateur. Il peut s’agir d’un médecin, d’un pharmacien ou d’un médecin bucco-dentaire (art. 32, alinéa 1er, de la loi du 27 avril 2022).

Art. 4, 13e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Art. 4, 14e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

On distingue généralement deux types de promoteurs. D’une part, on a le promoteur « commercial » ou « privé » dont l’objectif usuel de la recherche est l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’une modification de l’AMM dans le cas du médicament (c’est le cas essentiellement des promoteurs industriels, notamment l’industrie pharmaceutique). D’autre part, on a le promoteur « non commercial » ou « institutionnel » ou encore « académique » qui ne poursuit pas un but lucratif mais d’amélioration des connaissances médicales et scientifiques (notamment les établissements de santé, les organismes de recherche publique, les sociétés savantes), v. Sylvie HANSEL-ESTELLER et Audrey CASTET-NICOLAS, « De la recherche clinique à la pharmacie clinique », in Pharmacie clinique et thérapeutique, Elsevier Masson SAS, 2018, p. 35.

Art. 4, 20e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Art. 8 de la loi du 27 avril 2022.

V. article 36, alinéa 2, et article 38 de la loi du 27 avril 2022.

Par exemple, la France avait fait une loi visant expressément la protection des participants à la recherche biomédicale. C’était la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, dite « Loi Huriet-Sérusclat ». L’histoire enseigne que la première mouture de ce texte était « relative aux essais chez l’homme d’une substance à visée thérapeutique ou diagnostique », et que c’est au cours des navettes entre le Sénat et l’Assemblée nationale que la proposition de loi a changé de titre pour devenir, le 13 octobre 1988, « relative à la protection des personnes dans la recherche biomédicale » (J. P. DEMAREZ, « Le CCPPRB, des origines à demain. CCPPRB, past, present, future », op. cit., p. 62). La raison de ce changement de titre est clairement affirmée par la doctrine : afin de lever les réticences politiques à légiférer sur l’ « expérimentation humaine », la « direction de la pharmacie et du médicament » du ministère de la santé a présenté les choses sous l’intitulé de « loi de protection des personnes » (Nicolas LECHOPIER, « La distinction soin/recherche dans la genèse de la loi Huriet », Mémoire de DEA d’histoire et de philosophie des sciences, Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2002, p. 68, www.gteps.net/Lechopier.pdf). Cette loi a été modifiée, dans son intitulé, par la Loi n°2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite « Loi Jardé ».

Art. 2, alinéa 1er, de la loi du 27 avril 2022.

Art. 2, alinéa 2, de la loi du 27 avril 2022. Pour dire autrement cela, nous pouvons emprunter l’heureuse formule de Jacques DANGOUMAU (« Responsabilities of ethics committees », in Bennett P, ed. Ethical resosabilities in European drug research. Bath : Bath University Press, 1990) au sujet de la « loi Huriet-Sérusclat » : « Par la loi de 1988, la société, à travers ses représentants, accepte la recherche biomédicale chez l’homme, mais elle en définit le cadre dans le souci prioritaire de la protection des personnes ».

Sur l’évolution du critère de protection des participants à la recherche en France, cf. Nicolas LECHOPIER, « L’émergence de normes pour la recherche biomédicale. A l’origine de la loi Huriet (1975-1988) », médecine/sciences, EDP Sciences, 2004, pp. 379-380 ; Philippe AMIEL, « Recherche biomédicale : la protection des personnes renforcée », adesp n° 44, septembre 2003, p. 6 ; Christian BYK, « Le droit français et la recherche biomédicale : l’épreuve de la pratique », Les Cahiers de droit, volume 37, numéro 4, 1996, pp. 1002-1003.

Dans cette catégorie, on range, en principe, toutes les recherches autres que les essais cliniques, notamment, les recherches en SHS.

Severine COLINET et Isabel FRICHE PASSOS, « Ethique procédurale, entre petits arrangements et transgression : comparaison Brésil-France », Fractal, Rev. Psicol., v. 27 – n° 3, 2015, p. 260.

Encore appelé Rapport de la Commission nationale pour la protection des sujets humains dans le cadre de la recherche biomédicale et comportementale, 18 avril 1979, B. Principes éthiques fondamentaux. Il énonce que « trois principes fondamentaux s’appliquent tout particulièrement à l’éthique de la recherche faisant appel à la participation de sujets humains : les principes du respect de la personne, la bienfaisance et la justice ».

Il s’agit des principes 9, 10 et 11 qui visent respectivement le respect de la diversité culturelle et du pluralisme, le respect du principe de laïcité et le partage des bienfaits résultant de la recherche avec la société (art. 5, 9e, 10e et 11e tiret, de la loi du 27 avril 2022).

Principe 12 qui vise « la protection des générations futures, de l’environnement, de la biosphère et de la biodiversité » (art. 5, 12e tiret, de la loi du 27 avril 2022).

Par exemple, le principe 1, qui exige le consentement libre, éclairé et écrit du participant à la recherche, induit ses droits à l’information et de donner son consentement à la recherche médicale (art. 11 de la loi du 27 avril 2022), ainsi que les obligations de l’investigateur de donner des informations adéquates et de recueillir le consentement des participants à la recherche ou de leurs représentants légaux (art. 34, 2e et 3e tirets, de la loi du 27 avril 2022) ; le principe 2, consacré au respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, induit le droit à la dignité et les droits de l’homme ; le principe 4, visant la garantie de la responsabilité individuelle, induit les droits des participants au traitement médical gratuit et à l’indemnisation, l’obligation de l’investigateur de s’assurer que le participant à un essai clinique ayant subi un préjudice du fait de sa participation a droit à un traitement médical gratuit et à une indemnisation (art. 45, 3e tiret, de la loi du 27 avril 2022), ainsi que l’obligation d’assurance du promoteur (art. 48 de la loi du 27 avril 2022) ; le principe 6, qui exige le respect de la vie privée et de la confidentialité des informations relatives au participant à la recherche, induit les droits au respect de la dignité et à la confidentialité ainsi que l’obligation de l’investigateur de garantir la confidentialité des données de recherche selon les normes de bonnes pratiques cliniques (art. 34, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022) ; le principe 13, qui exige la restitution des résultats aux personnes concernées, induit le droit à l’information des participants à l’issue de la recherche médicale.

Par exemple, le principe 7, visant le respect de l’égalité, de la justice et de l’équité, intègre le principe 5 consacré au respect de la vulnérabilité humaine et de l’intégrité personnelle et le principe 8 consacré à la non-discrimination et la non-stigmatisation du participant à la recherche.

THE NATIONAL COMMISSION FOR THE PROTECTION OF HUMAN SUBJECTS OF BIOMEDICAL AND BEHAVIORAL RESEARCH, The Belmont Report: Ethical Principles and Guidelines for the Protection of Human Subjects of Research, 1979, (en ligne), http://ohrs.od.nih.gov/guidelines/belmont.html

En fait, les normes éthiques (notamment le rapport Belmont) parlent seulement de la justice. Constant la limitation de cette expression au respect du droit en vigueur, la doctrine recommande aussi le recours à l’équité (entendue comme le « respect des droits de chacun ; impartialité ; Justice naturelle ou morale indépendamment du droit en vigueur »), surtout dans la recherche Nord/Sud (Fahimy SAOUD, op. cit., pp. 77-77). Ce que le législateur de 2022 a fait, de manière assez large, en associant à la justice, non seulement l’équité, mais aussi et surtout l’égalité.

Dans le même sens, l’article 43, alinéas 1er et 2, de la loi du 27 avril 2022 énonce que : « Tout projet d'essai clinique doit impliquer le groupe pour lequel le résultat est escompté. L'investigateur et le promoteur doivent consulter le groupe dans le cadre d'un processus participatif, transparent et significatif, les impliquer dès le début et au cours des travaux de conception, d'élaboration, de mise en œuvre, de suivi et de diffusion des résultats des essais cliniques ».

V. art. 15 à 20 et art. 25 à 26 de la loi du 27 avril 2022.

Désigne une méthode au cours de laquelle on attribue un traitement précis aux participants en utilisant un mécanisme de hasard. Elle réduit le biais et représente la condition préalable d’un test en aveugle. De manière générale, les études en simple aveugle (ou simple insu) se distinguent de celles en double aveugle (ou double insu). Dans les premières études, le participant à l’étude ou l’investigateur ne sait pas si le verum (encore appelé traitement de référence, traitement d’efficacité avérée ou médicament efficace) ou le placebo est respectivement reçu ou administré. Dans les secondes études, ni le sujet de recherche ni l’investigateur ne savent si le médicament (de l’étude) est testé ou si un placebo est administré (Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), op. cit., pp. 100-103).

Encore appelé groupe expérimental ou groupe d’intervention.

Egalement appelé groupe contrôle ou groupe de contrôle.

Cela est clairement affirmé dans la définition du groupe de contrôle : « Sujets de recherche qui reçoivent une intervention établie (contrôle positif) ou une intervention placebo (contrôle négatif) : ils sont comparés aux volontaires (le groupe test) chez qui on réalise une nouvelle intervention (p. ex. le nouveau médicament). Les groupes contrôle ne doivent se distinguer du groupe test que par l’intervention étudié » (Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), op. cit., p. 101).

Défini comme une « substance inactive administrée à certains participants d’une étude à des fins de comparaison des effets avec ceux des participants ayant reçu le produit étudié » (art. 4, 19e tiret, de la loi du 27 avril 2022). Précisons cependant que dans les essais cliniques contrôlés, le choix du groupe témoin et l’utilisation du placebo sont strictement encadrés par le législateur de 2022, afin de protéger les participants appartenant à ce groupe. En effet, selon l’article 55 de la loi du 27 avril 2022, « au cours d'un essai relatif à une procédure diagnostique, thérapeutique ou préventive, les personnes appartenant à un groupe témoin doivent bénéficier du traitement d’efficacité avérée. Dans certains cas, il peut être acceptable d'un point de vue éthique d'utiliser un autre comparateur tel qu'un placebo notamment : lorsqu'il n'existe aucune procédure d'efficacité avérée ; lorsque la non-réalisation d'une procédure d'efficacité avérée entrainerait au pire un malaise passager ou un retard dans l'atténuation des symptômes chez les participants ; lorsque l'utilisation en tant que comparateur d'une procédure d'efficacité avérée ne donnerait pas de résultats scientifiquement fiables et que le recours à un placebo n'aggraverait pas le risque d'effets nocifs graves ou irréversibles sur les participants ».

Notamment la Déclaration d’Helsinki qui ne reconnait aucun droit aux participants à la recherche. En effet, elle « définit des devoirs pour le médecin, mais elle ne reconnaît aucun droit consécutif à ces devoirs pour le sujet d’expérience. Elle vise davantage à éclairer les médecins qu’à promouvoir les droits fondamentaux de l’homme » (J. P. DEMAREZ, « La Déclaration d’Helsinki : origine, contenu et perspectives », op. cit., p. 167).

En rappel, les principes directeurs induisent plusieurs droits tels que les droits de la personnalité (le droit au respect de la vie privée, le droit à la dignité), le droit à l’information, le droit de donner son consentement, le droit à la confidentialité.

Notamment le doit à la confidentialité, déduit de l’obligation de l’investigateur de garantir la confidentialité des données de recherche selon les normes de bonnes pratiques cliniques (art. 34, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022). Ce droit sera examiné dans le cadre des obligations de l’investigateur.

Les droits particuliers sont ceux accordés aux seuls participants aux essais cliniques, notamment le droit au traitement médical gratuit et le droit à l’indemnisation. Ils seront examinés dans les mesures particulières de protection des participants aux essais cliniques.

Art. 5, 13e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Les principales cibles étaient les orphelins, les nourrissons ou les condamnés à mort. Concernant ces derniers, notons qu’en 1865, Claude BERNARD a légitimé l’expérimentation chez le condamné à mort, sous réserve qu’elle ne lui soit pas directement nuisible. Dans le même ordre d’idées, Louis PASTEUR soutiendra plus tard l’expérimentation chez le condamné à mort, même sans bénéfice humain (cf. Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., p. 36).

Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., p. 39.

Principe n° 1 du Code de Nuremberg.

Certes, l’exigence d’un écrit est louable, en ce sens qu’il vise à protéger les participants à la recherche (c’est la preuve du consentement du participant), mais que faire si le futur participant ne sait ni lire ni écrire ? La loi du 27 avril 2022 est muette sur cette question. Cependant, cette lacune peut être comblée par le paragraphe 26 de la Déclaration d’Helsinki : « … Si le consentement ne peut pas être donné par écrit, le consentement non écrit doit être formellement documenté en présence d’un témoin. »

En effet, les femmes enceintes donnent leur consentement dans les mêmes conditions et selon le même processus que les personnes capables. Mais, elles ne peuvent être incluses dans un projet de recherche que si le rapport entre les risques et les contraintes prévisibles pour la femme enceinte, pour l'embryon ou le fœtus in vivo d'une part, et le bénéfice escompté, d'autre part, n'est pas jugé disproportionné par l'Organe en charge de l'éthique ; les risques et les contraintes inhérents au projet sont minimums pour l'embryon ou le fœtus in vivo (principe de bienfaisance) ; le projet permet d'escompter des résultats essentiels pouvant apporter un bénéfice à long terme à d'autres femmes enceintes ou d'autres embryons ou fœtus in vivo (principe du bénéfice collectif).

Plus précisément, les personnes mineures peuvent être incluses dans un projet de recherche s’il se rapporte directement à une condition clinique dont le mineur souffre (principe de bénéfice individuel) ou si elle ne peut être conduite que sur des mineurs (principe de subsidiarité). A cet effet, le consentement est donné par son représentant légal. Mais, ce consentement n'est valable que si le mineur, en fonction de sa capacité de compréhension, a donné son assentiment après avoir préalablement reçu des informations nécessaires d'un personnel pédagogiquement qualifié. La volonté expresse du mineur est ainsi examinée et respectée par l'investigateur dans la mesure où le mineur est capable de se forger une opinion et d'évaluer les informations quant à sa participation à un projet de recherche médicale, à son refus d'y participer ou encore à son désir d'en être retiré (art. 15 et 16 de la loi du 27 avril 2022).

Concrètement, les personnes majeures incapables ne peuvent être incluses dans un projet de recherche médicale que si les risques et les contraintes inhérents au projet de recherche sont minimum (principe de bienfaisance) ; ledit projet permet d'escompter les résultats essentiels pouvant apporter un bénéfice à long terme aux personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble, ou dont l'état est comparable (principe du bénéfice collectif). Pour le processus de consentement, un projet de recherche ne peut être réalisé sur une personne majeure incapable que si la personne concernée a donné son consentement avant de perdre sa capacité de discernement et ce consentement est attesté par un document ; en l'absence de document, son représentant légal a donné son consentement éclairé par écrit ; la personne concernée n'exprime pas de manière identifiable, oralement ou par un comportement particulier, son refus du traitement lié au projet de recherche (art. 17 et 18 de la loi du 27 avril 2022).

En effet, aux termes des articles 25 et 26 de la loi du 27 avril 2022, un projet de recherche ne peut être réalisé en situation d’urgence que si les dispositions nécessaires ont été prises pour établir, dans les meilleurs délais, la volonté de la personne concernée ; elle n'exprime pas de manière identifiable, verbalement ou par un comportement particulier, son refus du traitement lié au projet de recherche ; un médecin non associé au projet de recherche est consulté avant l'intégration d'une personne au projet afin de défendre les intérêts de celle-ci ; les risques et les contraintes inhérents au projet sont minimums (principe de bienfaisance) ; le projet permet d'escompter ,des résultats essentiels pouvant apporter un bénéfice à long terme aux personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble, ou dont l'état de santé est comparable (principe du bénéfice collectif). Enfin, lorsque la personne concernée est nouveau en mesure d'exprimer sa volonté, elle doit être suffisamment informée du projet de recherche et peut alors donner son consentement a posteriori ou le refuser. Dans ce dernier cas, le matériel biologique et les données ne peuvent plus être utilisés dans le cadre du projet de recherche.

En matière d’essais cliniques, la doctrine médicale affirme que « conjugués à l’absence de couverture sociale, les faibles revenus de la population expliquent le désintérêt global de l’industrie pharmaceutique pour l’Afrique. Seuls les marchés publics mobilisent vraiment l’attention des fabricants de médicaments ou de vaccins. Les circuits de distribution sont essentiellement concentrés dans les villes, négligeant le secteur rural qui représente pourtant plus de 60 % de la population » (Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., p. 198).

V. Christian BYK, op. cit., p. 1003.

Cf. Sylvie HANSEL-ESTELLER et Audrey CASTET-NICOLAS, op. cit., pp. 34-35.

En vertu duquel la recherche médicale impliquant des personnes humaines doit être conduite uniquement par des personnes ayant acquis une éducation, une formation et des qualifications appropriées en éthique et en sciences, notamment les médecins de toutes spécialités confondues, les pharmaciens et médecins bucco- dentaires. En plus des qualifications sus évoquées, l'investigateur principal doit avoir une expertise avérée et reconnue dans le domaine étudié (art. 32, alinéa 1er, et art. 33 de la loi du 27 avril 2022).

Sur l’ensemble des obligations de l’investigateur, v. art. 34 de la loi du 27 avril 2022.

Il s’agit de l’obligation de donner des informations adéquates et de l’obligation de recueillir le consentement des participants à la recherche ou de leurs représentants légaux.

Défini comme un « document daté, approuvé par le promoteur et par l'investigateur qui intègre, notamment, les modifications successives et décrit la justification, les objectifs, la conception, la méthode, les aspects statistiques, l'organisation de la recherche, ainsi que les enjeux éthiques, le financement et les affiliations institutionnelles » (art. 4, 21e tiret, de la loi du 27 avril 2022).

Précisons que d’après l’article 68 de la loi du 27 avril 2022, « les recherches médicales impliquant la personne humaine, ayant déjà reçu la clairance éthique et l'autorisation administrative de recherche avant la date de la publication de la présente loi, demeurent valables jusqu'à l'achèvement du projet de recherche. Les recherches médicales n'ayant pas encore reçu cumulativement la clairance éthique et l'autorisation administrative de recherche, doivent se conformer aux dispositions de la présente loi ».

En ce sens, l’article 9 de la loi du 27 avril 2022 dispose que : « Tout projet de recherche médicale conduite au Cameroun doit, au cours de sa conception et de sa mise en œuvre, être soumis aux normes éthiques qui promeuvent et assurent le respect de tous les êtres humains et qui protègent leur santé et leurs droits. »

Art. 4, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Art. 4, 1er tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Art 4, 2e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

L’anonymisation « consiste en la rupture définitive du lien entre l’identité de la personne et les échantillons et données qu’elle a fournis » alors que le codage « implique de remplacer l’identité d’une personne par un code » (Emmanuelle LEVESQUE, « Bioéthique, confidentialité et vie privée », R.J.T., volume 43, 2009, pp. 775-776).

A cet effet, l’article 29, alinéas 1er et 2, de la loi du 27 avril 2022 affirme que : « Le matériel biologique, les données génétiques et les données personnelles non génétiques liées à la santé peuvent être réutilisés pour un projet de recherche, sous une forme codée ou non, lorsque la personne concernée ou, le cas échéant, son représentant légal, a donné son consentement libre, éclairé et écrit. Le matériel biologique, les données génétiques et les données personnelles non génétiques liées à la santé peuvent être anonyrnisés à des fins de recherche, lorsque la personne concernée ou, le cas échéant, son représentant légal, a donné son consentement libre, éclairé et écrit ». Dans le même sens, l’article 34, 6e tiret, de la loi susmentionnée énonce que l’investigateur est tenu de dresser un rapport annuel anonymisé à l’intention e l’Administration compétente.

Sur le personnel impliqué dans la recherche, cf. Sylvie HANSEL-ESTELLER et Audrey CASTET-NICOLAS, op. cit., p. 33.

Entendue comme « des recherches entreprises dans un pays hôte mais mises en route, financées et parfois exécutées en totalité ou en partie par un organisme international ou national extérieur avec la collaboration ou l’accord des autorités compétentes du pays hôte » (paragraphe 27 de la Déclaration de Manille).

V. art. 36, alinéa 1er, 37 et 39 de la loi du 27 avril 2022. Ces dispositions sont conformes aux paragraphes 28 et 29 de la Déclaration de Manille.

V. art. 8 ; art. 36, alinéa 2 ; et art. 38 de la loi du 27 avril 2022.

Notamment, la suspension ou le retrait de l'autorisation administrative de recherche ; la confiscation ou la destruction du matériel biomédical et des données aux frais du contrevenant ; la suspension de l'habilitation à recevoir un financement pour la recherche ; la suspension de l'habilitation à pratiquer des interventions expérimentales ; la suspension de l'autorisation d'exercer la médecine, ou toute autre profession rattachée à l'objet de recherche ; la fermeture temporaire ou définitive de l'institution de recherche incriminée ; l'interdiction de publication des résultats de la recherche incriminée ; l'interdiction de mise sur le marché national de produits issus de recherches expérimentales menées en violation des normes éthiques et administratives (art. 56, alinéa 1er, de la loi du 27 avril 2022).

Association médicale canadienne, « Affaiblir la Déclaration d’Helsinki », Nov. 11, 2003, 169 (10), p. 999.

Jean SAIDE, « Recherche biomédicale et consentement de la personne », Bulletin n° 96 de l’AFGS – 1er trimestre 2016, p. 18.

Sylvie HANSEL-ESTELLER et Audrey CASTET-NICOLAS, op. cit., p. 30.

Art. 4, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Art. 4, 22e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

CIOMS, op. cit., p. 2. Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 8 de la Déclaration d’Helsinki énonce que « si l’objectif premier de la recherche médicale est de générer de nouvelles connaissances, cet objectif ne doit jamais prévaloir sur les droits et les intérêts des personnes impliquées dans la recherche ».

Art. 4, 18e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

V. Les entreprises du médicament, « Les essais cliniques. Réponses aux questions que vous vous posez. », Mars 2008, p. 7, https://www.leem.org/sites/default/files/import/presse/discours/104_1211.pdf, consulté le 31 août 2022.

Il s’agit du Medecines and Healthcare products Regulatory Agency, en abrégé MHRA.

Le Northwick Park Hospital.

Fahimy SAOUD, op. cit., p. 73. Précisons qu’en respectant scrupuleusement cette exigence, les promoteurs ne peuvent normalement mettre un médicament sur le marché qu’après plusieurs années (une dizaine d’années en moyenne). Ce qui pose le problème de réaction rapide contre certaines épidémies. Par exemple, avec la COVID-19, on peut se demander si le respect de cette exigence doit toujours s’imposer ou s’il est exceptionnellement possible d’y apporter des aménagements. La rapidité avec laquelle les premiers médicaments contre cette épidémie ont été mis sur le marché montre à suffisance que des aménagements sont possibles, mais en termes de réduction des délais habituels et non la pratique des essais sans phase préclinique préalable. Dans la Note d’information de France Assos Santé, on peut lire que « une première série d’essais a d’ores et déjà débuté sur des modèles animaux. S’ils se déroulent bien, des essais cliniques pourraient démarrer chez l’homme à la fin de l’été prochain » ou que « pour répondre à l’urgence sanitaire, la recherche clinique a dû s’adapter et raccourcir les délais habituels. Ainsi, pour l’essai Discovery, il n’aura fallu que trois semaines pour rédiger le protocole, obtenir les autorisations et lancer le recrutement contre des mois en temps normal » (France Assos Santé, « Les essais cliniques dans le contexte de la crise sanitaire liée à la COVID-19 », Note d’information – Avril 2020, p. 3.

V. par exemple, le paragraphe 21 de la Déclaration d’Helsinki (version de 2013) ; le paragraphe 26, premier point, de la Déclaration de Manille de 1981 ; le paragraphe 3 du Code Nuremberg de 1947.

Art. 4, 12e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

W. BEN AMAR, N. FEKI, M. ZRIBI, K. JAMMELI, Z. KHEMAKHEM et S. BARDAA, « Les nouvelles dispositions légales à l’expérimentation des médicaments destinés à la médicine humaine », J.I.M. Sfax, N°31, Février 19, p. 19 ; G. MOUTEL, « La recherche biomédicale et la protection des personnes en France : état des lieux sur les principes éthiques, éléments du débat et règles pratiques pour les promoteurs et investigations d’un projet de recherche clinique », La lettre du Cancérologue – volume XV – n° 3 – mai-juin 2006, p. 153.

CIOMS, op. cit., p. 6.

C’est en ce sens que l’article 15 de la loi du 27 avril 2022 dispose que les personnes mineures peuvent être incluses dans un projet de recherche s’il se rapporte directement à une condition clinique dont le mineur souffre.

Sylvie HANSEL-ESTELLER et Audrey CASTET-NICOLAS, op. cit., p. 30.

En ce sens, les personnes majeures incapables et les personnes en situation d’urgence ne peuvent être incluses dans un projet de recherche médicale que s’il permet d'escompter les résultats essentiels pouvant apporter un bénéfice à long terme aux personnes atteintes de la même maladie ou du même trouble, ou dont l'état est comparable (article 18, 2e tiret, et article 25, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022).

Art. 44, 1er et 2e tirets, de la loi du 27 avril 2022.

On parle également des complications.

Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., encadré 64, p. 232.

Art. 4, 8e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., encadré 64, p. 232.

Ibid.

V. notamment, Xavier BIOY, « Le corps humain et la dignité », Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux, 15/2017, pp. 15 et s. ; Marie-Angèle HERMITTE, « Pour une histoire du statut juridique du corps. A propos de l’affaire de la main volée de J.-P. Baud », Natures-sciences-sociétés, 1995, 3(1), pp. 48-53.

Philippe AMIEL, op. cit., p. 5.

V. Jean-Philippe CHIPPAUX, op. cit., pp. 33 à 46, spécialement p. 45, Encadré 5.

V. Ismael NGNIE-TETA et alii, op. cit. pp. 129-139 ; Jean-Philippe CHIPPPAUX, op. cit., p. 40, encadré 3.

Il faut préciser que ce médicament a été découvert par les Américains en 1918. Son utilisation en traitement ambulatoire a été proposée par Jamot en 1925. Durant l’essai de Bafia, le dépassement de la dose recommandée était volontaire, car il était censé accélérer la guérison des patients.

Jean-Philippe CHIPPPAUX, op. cit., p. 40, encadré 3.

Ismael NGNIE-TETA et alii, op. cit., pp. 130, 133 et 134.

V. art. 47, 49 et 52 de la loi du 27 avril 2022.

Art. 4, 3e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

Cf. paragraphe 30 de la Déclaration d’Helsinki de 2000 qui énonçait qu’à la fin d’une étude clinique, les participants devraient bénéficier des « moyens diagnostiques, thérapeutiques et de prévention dont l’étude aura montré la supériorité ». Ce principe éthique a fait l’objet de plusieurs propositions de changement. Sur cette question, v. Association médicale canadienne, op. cit., p. 999.

Association médicale canadienne, op. cit., p. 999.

Cf. H. GROUTEL, « L’assurance obligatoire du promoteur de recherches biomédicales », Resp. civ. Et assur. 1991, ch. 18.

Christian BYK, op. cit., p. 1012.

V. art. 5, 4e tiret, de la loi du 27 avril 2022.

La Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances regroupe quatorze pays : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.

Sur les différentes branches des opérations d’assurance, v. article 328 du Code CIMA, spécialement le numéro 13 des branches IARD.

En plus de celles concernant son étendue matérielle et temporelle, prévues par l’article 48 la loi du 27 avril 2022. Relativement à cette double étendue, on peut se demander s’il sera aisé pour les promoteurs de trouver un assureur et si oui, à quel prix.

V. G. MOUTEL, op. cit., p. 152.

Au rang des mesures appropriées susceptibles d’être prises par le promoteur pour assurer la sécurité des participants à l'essai, on peut citer l’interruption du projet de recherche.


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