DROIT MORAL ET PROPRIETE INDUSTRIELLE DANS L’ESPACE O.A.P.I.

F. NGUELE MBALA

Résumé


Traduction juridique de la considération théorique faite au rapport intime qui existe entre le tributaire du génie humain et l’œuvre qui en est issue, en raison de l’individualité et de la personnalité de l’effort intellectuel de conception qui a abouti à la réalisation de l’œuvre en question, le droit moral désigne une catégorie particulière de prérogatives de la propriété intellectuelle, sous l’enseigne desquelles se retrouvent le droit à la paternité, le droit de divulgation, le droit de retrait et de repentir, et le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. Dans l’espace juridique des Etats membres de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (O.A.P.I.), si, conformément à la théorie dite de  l’« esprit du droit moral »,  il est constant que ces attributs d’ordre moral sont exclusivement et explicitement consacrés pour ce qui est des prérogatives inhérentes à la propriété littéraire et artistique à la différence de celles issues de la propriété industrielle, il reste que l’examen attentif du dispositif normatif de l’O.A.P.I. impose au questionnement sur la position ici retenue quant au bénéfice d’un droit moral au crédit des tributaires des biens de la propriété industrielle. L'un des fondements les plus patents de cette interrogation réside notamment en l’érection d’une incrimination de l’usurpation des titres de propriété industrielle par les textes régissant les droits de la propriété intellectuelle dans cet espace juridique, incrimination qui permet à la réalité de réaliser une protection pénale à peine voilée d’un attribut d’ordre moral des inventeurs et autres créateurs industriels : le droit à la paternité. Aussi, la présente entreprise qui se veut contributive entend examiner la position du droit O.A.P.I. sur la question du droit moral s’agissant des attributs issus de la propriété industrielle. Dans ce sens, l’analyse minutieuse de l’Accord de Bangui régissant cette matière dans cet espace juridique permet de relever l’implicite suggestion d’un droit moral des créateurs d’actifs de propriété industrielle, lequel droit moral, à l’analyse, est matériellement circonscrit à certaines catégories de la propriété industrielle, et ne concerne tout aussi que certains attributs extrapatrimoniaux.


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Références


Le Professeur Jean CARBONNIER, souligne dans ce sens que, de tradition, famille, contrat et propriété, sont les trois piliers des ordres juridiques contemporains. Il rajoute d’ailleurs que la propriété vient en tête de ce qu’il retient sous le vocable de « la litanie des droits naturels et imprescriptibles de l’homme ». CARBONNIER (J.), Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, collection Anthologie du Droit, 10ème édition, Paris, L.G.D.J., 2014, p.255 et p.345.

XIFARAS (M.), La propriété, étude de philosophie du droit, Paris, P.U.F. 2004, pp.8 et s.

Il s’agit en l’occurrence de ses caractères absolu, perpétuel, exclusif et nécessairement soumise au respect des limitations légales. ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, 2ème édition, Paris, P.U.F., 2013, pp.277 et s.

MOUSSERON (J-M.), RAYNARD (J.), REVET (T.), « De la propriété comme modèle », in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993. p.630 ; JOSSERAND, Cours de droit civil français, Tome 1, 3ème édition, Paris, 1938 cité par CHAGNOLAUD (D.) et DRAGO (G.), (Sous la direction de), Dictionnaire des droits fondamentaux, Paris, Dalloz, 2006, p.630.

C’est précisément le sens que donne l’article 544 du Code Civil à la propriété, en l’occurrence corporelle.

Cette définition résulte de la combinaison de la définition du droit au sens objectif, et de celle du droit de la propriété intellectuelle, telles que précisées respectivement par les Professeurs Jean Marie TCHAKOUA d’une part, Albert CHAVANNE et Jean Jacques BURST d’autre part. Cf. TCHAKOUA (J.M.), Introduction générale au droit camerounais, Yaoundé, Presses de l’U.C.A.C., 2008, p.11 ; CHAVANNE (A.) et BURST (J-J.), Droit de la propriété industrielle, 4ème édition, Paris, Précis-Dalloz, 1993, p.1.

Autrement dit, le droit exclusif de l’auteur d’une œuvre de l’esprit d’en tirer un profit appréciable en argent. A titre d’exemple, il peut s’agir du droit de vendre ou de faire vendre ladite œuvre de l’esprit, ou même d’en interdire la commercialisation.

La spécialité étant issue de ce qu’en matière de propriété corporelle, il n’y a point d’attribut d’ordre moral.

Cf. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 11ème édition, Association Henri Capitant, Paris, P.U.F., Quadrige, 2016, voir morale.

Il s’agit en fait de protéger le lien intime que chaque tributaire du génie humain entretient avec « son » œuvre, lien notamment de paternité résultant de l’individualité de l’effort de création de la dite œuvre. C'est précisément l’expression authentique et personnelle de la créativité de l’auteur que le droit de la propriété intellectuelle, en l’occurrence par les attributs d’ordre moral, vient protéger ici. Dans la tradition germanique d’ailleurs, il est question de protéger la personnalité de l’auteur telle qu’elle s’exprime dans son œuvre. Dans ce sens, VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, Volume 25, N°1, 2013, p.372. De même, DE WERRA, (J.), « Droit et morale du droit moral », Les tirés à part de la SSA, 2006, N°. 5, pp. 1 et s.

Le vocable ici n’est d’ailleurs pas sans écho théologique, ainsi que le souligne les spécialistes en cette matière qui présentent l’œuvre de l’esprit comme une « émanation de l’être ». Par voie de conséquence il doit être proclamé « une indivisibilité de l’objet et du sujet ». cf. LOCRÉ (J-G), La législation civile, commerciale et criminelle de la France, Paris, Tyreuttel et Wurt, 1827-1837, tome 8, p. 7 ; cité par VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », op. cit., p.371.

GAUTIER (P-Y), Propriété littéraire et artistique, 10ème éd, Paris, P.U.F., 2017, p. 203.

DE WERRA, (J.), « Droit et morale du droit moral », ibid.

Conformément à sa conception personnaliste en droit français, le droit moral est inhérent à la personne même de l’auteur. Il est en principe perpétuel, inaliénable, et imprescriptible. Outre Rhin, les droits moraux sont même considérés comme consistant « véritablement » en des droits de la personnalité de l’auteur (Urheberpersönlichkeitsrecht). Il est du reste à relever que le droit moral constitue historiquement une expression de la tradition continentale européenne du droit d’auteur (particulièrement représentée par les droits allemand et français), mais n’était pas connu dans le système du copyright anglo-saxon, qui privilégie plutôt la protection des intérêts économiques des auteurs. Cf. COLOMBET (C.), Grands principes du droit d’auteur et des droits voisins dans le monde, 2ème éd., Paris, Litec, 1992, pp. 149-150. De même NGOMBE (L.Y.), « Les droits moraux dans les lois africaines - Regard synoptique sur les textes des Etats membres de l’O.A.P.I. et de l’A.R.I.P.O. », Les cahiers de la propriété intellectuelle, Volume 25, n°1, 2013, pp. 4 et suivants. De même, CARON (C.), Droit d’auteur et droits voisins, 2ème édition, Paris, Litec, 2009, n° 254. VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », op. cit. , p.315. LUCAS-SCHLOETTER (A.), Droit moral et droit de la personnalité : étude de droit comparé français et allemand, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2002, p.31. Cité par DESHOULIERES (E.), Le droit moral de l'auteur sur les œuvres numériques, Mémoire de Master II en droit privé, Université Panthéon-Assas (Paris II), 2005-2006, pp.12 et s. DE WERRA, (J.), « Droit et morale du droit moral », ibid..

BRONZO (N.), « Le droit moral de l’inventeur », in Propriété industrielle, n°6, juin 2013, p.4 ; VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit. pp. 368 et s. De même BINCTIN (N.), « Le droit moral en France », in Cahiers de la propriété intellectuelle, volume 25, n°1, 2013, p.325.

A titre illustratif, en droit camerounais, conformément au texte de l’article 13 de la loi camerounaise N° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, les auteurs des œuvres de l’esprit jouissent sur celles-ci d’un droit de propriété exclusif opposable à tous qui comporte des attributs d’ordre moral. L’article 14 de cette même loi énonce en son alinéa 1 que : « 1) Les attributs d’ordre moral confèrent à l’auteur, indépendamment de ses droits patrimoniaux et même après la cession desdits droits, le droit :

a) de décider de la divulgation et de déterminer les procédés et les modalités de cette divulgation ;

b) de revendiquer la paternité de son œuvre en exigeant que son nom ou sa qualité soit indiquée chaque fois que l’œuvre est rendue accessible au public ;

c) de défendre l’intégrité de son œuvre en s’opposant notamment à sa déformation ou mutilation ;

d) de mettre fin à la diffusion de son œuvre et d’y apporter des retouches ».

Le fameux « Mme Bovary c’est moi » de Flaubert pourrait à la réalité être l’image emblématique résumant les composantes de ces attributs moraux du droit de l’auteur d’une œuvre de l’esprit ainsi que le note le Professeur Michel VIVANT. Cf VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », op.cit., p.366.

En fait 17 des Etats de l’Afrique Centrale et de l’Ouest se sont regroupés au sein d’un même espace juridique administré sous l’égide de l’O.A.P.I., pour y gouverner et protéger les droits de la propriété intellectuelle, sous l’empire d’un seul et même texte communautaire, l’Accord de Bangui acte de Bamako du 14 décembre 2015. A l’identique de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), l’O.A.P.I. concerne les même Etats membres. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la République Centrafricaine, du Congo, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, de la Guinée, de la Guinée Bissau, de la Guinée Equatoriale, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad, du Togo et plus récemment des îles Comores (depuis le 25 mai 2013).

Il s’agit des créations nouvelles utiles et applicables à l’industrie. Sont ici rangés, les inventions brevetées, les modèles d’utilité, les obtentions végétales et les topographies des circuits intégrés. RIPERT (G) et ROBLOT (R), Traité de droit commercial, Tome 1, Volume 1, 17ème édition, Paris, L.G.D.J., 2004, p.474.

Une certaine doctrine ajoute à cette liste les noms de domaines, considérés comme véritables signes distinctifs dans la sphère virtuelle de l’internet, ainsi que le soutient CANLORBE (J.), L’usage de la marque d’autrui, Thèse de Doctorat en Droit, Université Panthéon-Assas (Paris II), Paris, 2006, pp.128 et s.

NGOMBE (L.Y.), « Les droits moraux dans les lois africaines - Regard synoptique sur les textes des Etats membres de l’O.A.P.I. et de l’A.R.I.P.O. », Les cahiers de la propriété intellectuelle, op. cit., p.13.

BINCTIN (N.), « Le droit moral en France », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op. cit., p.306.

Comme souligné supra, l’Accord de Bangui constitue le texte communautaire uniforme pour la régence du droit de la propriété intellectuelle dans l’espace O.A.P.I.

Sur ces développements que nous exploiterons infra, cf. NGUELE MBALLA (F.), La protection pénale de l’immatériel en droit camerounais, le cas des biens de la propriété intellectuelle, Thèse de Doctorat en Droit Privé et Sciences Criminelles, Université de Yaoundé II-Soa, 2019, pp.203 et s.

VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », op.cit., pp. 368 et s. De même VIVANT (M.), Les créations immatérielles et le droit, Ellipses, 1997, pp. 77 et s.

BRONZO (N.), « Le droit moral de l’inventeur », op.cit., pp.4 et s.

NGOMBE (L.Y.), « Les droits moraux dans les lois africaines - Regard synoptique sur les textes des Etats membres de l’O.A.P.I. et de l’A.R.I.P.O. », Les cahiers de la propriété intellectuelle, Volume 25, n°1, 2013 ; NGOMBE (L.Y.), Le droit d’auteur en Afrique, Paris, l’Harmattan, 2009 ; NGOMBE (L.Y.) « Droit de la propriété intellectuelle comparé, Trente ans de droit d’auteur dans l’espace O.A.P.I.», in Revue Juridique Thémis, Montréal, 2007 ; SIIRIAINEN (F.), « L’harmonisation du droit de la propriété littéraire et artistique au sein de l’O.A.P.I : regard extérieur d’un juriste français », in Revue de l’E.R.SU.MA., n°1, juin 2012 ; FOMETEU (J.), Etude sur les limitations et exceptions au droit d’auteur et aux droits connexes au profit de l’enseignement en Afrique, Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes, 19ème session, Genève, O.M.P.I., 14- 18 Décembre 2009 ; LOWE GNINTEDEM (P.J.), Droit des brevets et santé publique dans l’espace O.A.P.I., Thèse de Doctorat/Phd en Droit Privé, Université de Dschang, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Dschang, janvier 2011 ; NGO MBEM (S.), L’intérêt général et la protection des médicaments par le brevet dans les pays en développement, Mémoire de D.E.S.S., Université Robert SCHUMANN, C.E.I.P.I., Strasbourg, 2003, disponible sur : http://www.ceipi.edu/pdf/memoires/MEMOIRE_NGO_MBEM.pdf consulté le 12 mars 2020. Dans le même sens et du même auteur, Les enjeux de la protection des dessins et modèles industriels dans le développement en Afrique : le cas des pays membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (O.A.P.I.), Thèse, Université Robert SHUMANN, Strasbourg, 2007.

Le terme « exégèse » se comprend ici comme l’interprétation d’un texte, l’étude critique de son origine et de son sens. Plus spécifiquement comme le précise le Vocabulaire juridique, c’est une méthode d’interprétation de la loi dont le principe est de rechercher ce qu’a voulu dire l’auteur de son texte. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op.cit. voir exégèse.

Du latin casus qui signifie : « événement », ou « cas particulier », la casuistique renvoie à la résolution des problèmes pratiques par une discussion entre, d'une part, des principes généraux (règles) ou des cas similaires (jurisprudence). Cf. ROUVIERE (F.), Apologie de la casuistique juridique, Recueil Dalloz, 2017, pp.118 et s.

Dans ce sens VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit., pp.369 et s. Répondant ici à la question de savoir « qu’est-ce que le droit moral dans la vraie vie du droit ? », l’auteur permet de comprendre le caractère éminemment personnel et authentique de cette prérogative extrapatrimoniale, intrinsèque au droit de la propriété intellectuelle. Par un cheminement à trois temps sur le droit moral tel qu’il est enseigné, construit et pratiqué, ce spécialiste du droit le propriété intellectuelle énonce que, le droit moral rendrait compte de la relation personnelle et intime qui existe entre « le créateur » et « sa création ». Dans cette relation le « créateur » doit pouvoir se prévaloir de la défense notamment de la paternité de l’effort intellectuel de conception et de réalisation de sa « création ».

Le législateur camerounais pour sa part mentionne cette exigence d’originalité à l’article 3 alinea 3 de la loi n°011/2000 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.

ARDOY (P-Y.), La notion de création intellectuelle, Thèse pour l’obtention du grade de docteur en droit, Université de Pau et des pays de l’Adour,2006, pp.2 et 3 ; NGUELE MBALLA (F.), La protection pénale de l’immatériel en droit camerounais, le cas des biens de la propriété intellectuelle, op cit, pp. 88 et s ; VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit., p.367 ; BERTRAND (A.), Le droit d’auteur et les droits voisins, 2éme édition, Paris, Dalloz, 1999, pp.118 et s. ; BENABOU (V.-L.), « L’originalité, un Janus juridique. Regards sur la naissance d’une notion autonome de droit de l’Union », in Mélanges en l’honneur du professeur André Lucas, sous la direction de BERNAULT (C), CLAVIER (J-C), LUCAS-SCHLOETTER (A.) et LUCAS (F.X.), LexisNexis, Paris, 2014, p.17 ; RIKABI (M.), Les droits de la propriété intellectuelle et l’intérêt général, Thèse pour le Doctorat en droit, Université d’Aix-Marseille, p.149. On consultera opportunément la décision du juge français in TGI Paris, 13 octobre, 2016, RG 15/15617.

BERTRAND (A.), Le droit d’auteur et les droits voisins, ibid.

Cf. NGUELE MBALLA (F.), La protection pénale de l’immatériel en droit camerounais, le cas des biens de la propriété intellectuelle, ibid. POLLAUD-DULIAN (F.), Le droit d’auteur, Économica, 2014, p. 101.

LUCAS (A.), LUCAS-SCHLOETTER (A.) et BERNAULT (C.), Traité de la propriété littéraire et artistique, 5ème éd., LexisNexis, Paris, 2017, pp. 128 et s.

RIKABI (M.), Les droits de la propriété intellectuelle et l’intérêt général, op cit., p.22.

Dégagée par le Pr. POUILLET et repris par la jurisprudence, l’idée de l’unité de l’art est aujourd’hui l’un des principes directeurs du droit de la propriété littéraire et artistique. De théorie, l’idée devint en fait un principe de droit positif et fut intégrée dans le corpus législatif depuis la loi française du 11 mars 1902 appliquant la loi de 1793 aux sculpteurs et dessinateurs d’ornements « quels que soient le mérite et la destination de l’œuvre ». Cf. O.A.P.I, Guide du magistrat et des auxiliaires de justice, 1re édition, Yaoundé, 2009, pp. 18 et s.

C’est en fait de ce postulat qu’émerge l’idée d’absence de distinction entre l’art « pur » et l’art « appliqué » à l’industrie.

Cf. LAMBERT (T.), « L’unité de l’art désunie », in R.J.Com. janvier-février 2004 p.9.cité in ARDOY (P-Y.), La notion de création intellectuelle, op cit, pp. 4 et s.

En effet, à la suite de la théorie développée par POUILLET, les marques (en tout cas celles nominales ou bi-dimensionnelles et dans une certaine mesure celles sonores), les noms commerciaux et les indications géographiques, entendus tous comme assemblages de lignes et ou de couleurs ou même de sons, peuvent tout aussi relever de la catégorie du droit d’auteur, laquelle concerne toutes les œuvres du domaine de l’art ou de la littérature quels qu’en soient le mode, la valeur, le genre ou la destination. Au demeurant, l’article premier alinéa 3 de l’Accord de Bangui consacre ce principe du bénéfice possible des attributs du droit d’auteur aux dessins et modèles industriels. Cet article dispose que : « La protection conférée par la présente Annexe n'exclut pas les droits éventuels résultant d'autres dispositions législatives des Etats membres, notamment celles qui concernent la propriété littéraire et artistique.».

Une exception est faite à propos des schémas de configuration et autres topographies des circuits intégrés ; nous y reviendrons infra à l’occasion l’évocation des signaux suggérant l’attribution de droits moraux en matière de propriété industrielle.

O.A.P.I, Guide du magistrat et des auxiliaires de justice, op.cit. p.19. Il importe de noter que d’autres conditions de validité des différents signes distinctifs sont classiquement édictées, mais notre attention se porte ici uniquement sur celles des conditions qui sont à rapprocher de l’originalité au sens qu’elles traduisent une idée d’individualisation, d’identité.

Il importe en effet de noter que ces deux conditions de protection des signes notamment en tant que marque (distinctivité et disponibilité), s’il est vrai qu’elles imposent un minimum de créativité de la part de celui qui s’en prévaut, ne traduisent néanmoins pas à suffisance l’exigence d’originalité au sens du droit de la propriété littéraire et artistique . Par distinctivité il faut entendre l’exigence que le signe à protéger ne soit pas la désignation nécessaire ou générique du produit ou du service, sa composition ou sa consistance (article 3 alinéa a de l’annexe III de l’Accord de Bangui). Par disponibilité il faut entendre l’exigence que le signe en question ne soit pas identique ou similaire à celui d’une autre personne (article 3 alinéa b de l’annexe III de l’Accord de Bangui).

L’activité inventive concerne ici davantage les inventions brevetables et les modèles d’utilité.

Pour ce qui est des obtentions végétales.

Le débat sur la distinction entre la nouveauté et l’originalité a déjà fait couler beaucoup d’encre, même si la constance a toujours été la nuance à faire entre ces deux concepts. ARDOY (P-Y.), La notion de création intellectuelle, op cit, pp.150 et s. ; BINCTIN, (N.), Droit de la propriété intellectuelle, op.cit, pp 55 et s. ; MAILLARD (Th.), « L’œuvre de l’esprit : un original, des originaux ? L’originalité en matière de droit de suite », in L’œuvre de l’esprit en question (s). Un exercice de qualification, sous la direction de BENSAMOUN (A.), LABARTHE (F.) et TRICOIRE (V.), mare & martin, 2015, pp. 174 et s.

O.A.P.I,,Guide du magistrat et des auxiliaires de justice, op.cit. pp. 29 et suivants. De même la doctrine a très souvent présenté le droit moral de l'inventeur comme « le grand absent du droit des brevets » BRONZO (N.), « Le droit moral de l’inventeur », in Propriété industrielle, op. cit., pp.9 et suivants.

Intitulé « droits conférés » cet article dispose que « … le titulaire du certificat d'enregistrement a le droit d'interdire à toute personne d'exploiter le modèle d'utilité en accomplissant les actes suivants: fabriquer, offrir en vente, vendre et utiliser le modèle d'utilité, importer et détenir ce dernier aux fins de l'offrir en vente, de le vendre ou de l'utiliser ».

Cet article énonce que :

« 1)…le certificat d'obtention végétale confère à son titulaire, le droit exclusif d'exploiter la variété faisant l'objet du certificat.

…le certificat d'obtention végétale confère aussi à son titulaire, le droit d’interdire à toute personne l'exploitation de la variété faisant l'objet du certificat.

Le titulaire du certificat d'obtention végétale a également le droit de céder ou de transmettre par voie successorale, le certificat et de conclure des contrats de licence.

Sous réserve de l'article 39, le titulaire du certificat d'obtention végétale a le droit, en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, d'engager une procédure judiciaire contre toute personne qui commet une violation des droits qui lui sont conférés par le certificat d'obtention végétale en accomplissant, sans son consentement, l'un des actes mentionnés à l'article 32.1, ou qui accomplit des actes qui rendent vraisemblable qu'une violation sera commise.

Le titulaire du certificat d'obtention végétale a également le droit, en sus de tous autres droits, recours ou actions dont il dispose, d'engager une procédure judiciaire contre toute personne qui utilise une désignation en violation de l'article 26.4, ou omet d'utiliser une dénomination variétale en violation de l'article 26.5 ». L’article 32 poursuit d’ailleurs en comprenant substantiellement l’exploitation comme l’accomplissement d’un acte de mise en circulation commerciale ou économique de l’obtention végétale protégée.

Cf. article 9 annexe I, article 7 annexe II, Article 4 annexe IV, article 9 annexe X de l’Accord de Bangui

Article 4 annexe I de l’Accord de Bangui.

Article 3 de l’annexe IX de l’Accord de Bangui. « 1) Un schéma de configuration est réputé original s11 est le fruit de l'effort intellectuel de son créateur et si, au moment de sa création, il n'est pas courant pour les créateurs de schémas de configuration et les fabricants de circuits intégrés ».

Articles 7 de l’annexe II de l’Accord de Bangui.

Article 4 de l’annexe IV de l’Accord de Bangui. Signalons que pour cette catégorie d’actif à cheval entre le droit d’auteur, le droit des créations industrielles et le droit des signes distinctifs en vertu de la théorie de POUILLET, de celle de l’antériorisation transversale des signes distinctifs, aucune activité inventive n’est curieusement exigée pour la protection ; ce qui pourrait expliquer l’absence d’incrimination de l’usurpation de titre de propriété industrielle sur les dessins et modèles industrielles.

Article 9 de l’annexe X de l’Accord de Bangui.

En droit de la propriété industrielle l’exigence d’inventivité sous-entend que l’œuvre en question ne doive pas pouvoir résulter d’un raisonnement évident et spontané de la part d’un homme de métier ayant des connaissances et une habilité moyenne. (sur ce point, GALLOUX (¬J-C.), Droit de la propriété industrielle, 2ème édition, Paris, Dalloz, 2003, pp. 94 et suivants. De même LOWE GNINTEDEM (P.J.), Droit des brevets et santé publique dans l’espace O.A.P.I., op. cit., pp.349 et suivants). Hors ici, il n’est nullement question de technique mais d’art ou de littérature. Une œuvre littéraire ou artistique peut ne pas être nouvelle mais être originale car résultant d’une adaptation d’une œuvre préexistante. C’est le cas des œuvres composites de l’article 4 al.2 a de la loi de 2000.

Sur ces questions, voir PICHETTE (S.J.), « L’évolution de la notion d’activité inventive comme condition de brevetabilité d’une invention et de validité d’un brevet », in Cahiers de la propriété intellectuelle, volume 20, n°3, 2008, pp. 809 et suivants.

Lire dans ce sens VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit., pp.366 et suivants.

Du latin vulgata, qui signifie « rendue accessible, rendue publique », lui-même de vulgus, qui signifie « la foule », le terme renvoi à « vulgaire ».

Dans ce sens RAIZON (H.), La contractualisation du droit moral de l’auteur, Thèse de Doctorat en Droit, Université d’Avignon et des pays du Vaucluse, décembre 2014, p. 289. Spécialement, à l’image du droit moral en matière de la propriété littéraire et artistique, l’auteur y observe que : « L'inventeur, salarié ou non, est mentionné comme tel dans le brevet ; il peut également s'opposer à cette mention ». Il poursuit en développant que ceci fait évocation d’un « droit moral » à la paternité de l’inventeur sur son invention.

Paris, Civ.,1er février 1900, S., 1900, 2, 121, note Raymond SALEILLES.

VIVANT (M.), « Le droit moral sous un regard français », in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit., p.367.

La doctrine nous précise d’ailleurs qu’il y a belle lurette que le droit d’auteur ne se cantonne plus au domaine artistique et littéraire seulement, considération étant notamment faite des développements du droit positif relativement aux dessins et modèles industriels. Dans ce sens VIVANT (M) « Le droit moral sous un regard français » in Cahiers de la propriété intellectuelle, op.cit., p.369.

Il s’agit des droits de divulgation de son œuvre, de retrait et de repentir, ou encore du droit au respect de l’intégrité notamment.

On peut encore rattacher à cette variante de la compréhension du droit à la paternité des inventeurs, le droit aux récompenses et autres prix scientifiques et industriels qui, comme l'observe Nicolas BINCTIN, « reviennent immuablement à ou aux inventeurs désignés dans le brevet, quel que soit le propriétaire du bien intellectuel ». Dans ce sens BINCTIN (N.), Le droit des sociétés, L'innovation et la recherche en France, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 196 ; dans le même sens BRONZO (N.) « Le droit moral de l’inventeur » in Propriété industrielle, op.cit., p.5.

C’est la substance de la recommandation de la Convention de l’Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle qui indique substantiellement en son article 4ter intitulé « mention de l’inventeur dans le brevet » que « l’inventeur à le droit d’être mentionné comme tel dans le brevet ». Du reste tous les Etats membres de l’O.A.P.I. ont ratifié cet instrument conventionnel international.

Ainsi que le précise le Pr. Nicolas BRONZO dans ce sens et à la suite du Pr. Michel VIVANT, ce droit à la paternité sur les créations industrielle techniques s'entend en effet comme un droit fondamental inhérent aux principes généraux de la propriété intellectuelle, droit pour tout créateur d'être reconnu comme tel et d'empêcher que la filiation qui existe entre lui et le fruit de sa pensée soit méconnue. La paternité est en quelque

sorte le « noyau dur » de toute la propriété intellectuelle. Sur la question, BRONZO (N.) « Le droit moral de l’inventeur » in Propriété industrielle, op.cit., pp.4 et s ; VIVANT (M.), « Pour une épure de la propriété intellectuelle », in Mélanges en l'honneur de A.FRANÇON, Dalloz, 1995, nos7 et s.

De la même façon, l'article 4 ter de la Convention d'Union de Paris, et d’autres dispositions de droit européen, tel l’article 62 de la Convention de Munich sur le brevet européen ou l’article 12 de la loi belge sur les brevets d’invention, précisent substantiellement que l’inventeur a le droit à ce que son nom soit mentionné dans le brevet. DEBELDER (V.), Le droit moral de l’inventeur au sein du contrat de production, Mémoire de Master en Droit, Université Catholique de Louvain, Faculté de Droit et de Criminologie, 2016, pp. 18 et suivants. Dans ce sens également VIVANT (M) « Le droit moral sous un regard français » in Cahiers de la propriété intellectuelle, ibid.

En effet la lecture attentive des articles 19 alinéa 1) et d) de et 35 alinéa 1) e) de l’annexe I de l’Accord de Bangui ou encore de l’annexe 2 du même Accord en ses articles 17 alinéa 1) d) et 29 alinéa 1) e), peut permettre d’aboutir à la même conclusion. Ces dispositions font évocation de l’obligation qu’a l’office délivrant les titres de propriété industrielle sur les inventions brevetées ou les modèles d’utilité, de mentionner les noms et adresses des inventeurs dans ces cas, facultés leurs étant laissés de s’opposer à pareille publication. Il s’agirait en quelque sorte d’une reconnaissance tacite du droit moral qu’ont ceux-ci à la revendication de la paternité du fruit de leur génie, dans le même sens que l'article L.611-9 du code français de la propriété intellectuelle suscité.

BRONZO (N), « Le droit moral de l’inventeur » in Propriété industrielle, op. cit., pp.1 et s. Ainsi le Pr. VIVANT indique qu’ « Il n’y a pas d’activité humaine qui ne mette en cause la personne avec tout ce qui la compose et donc sa sensibilité, son intelligence, ses a priori... On n’a guère observé que la justification première apportée au droit moral l’avait été à propos d’œuvres de l’écrit, et plus précisément philosophiques ou littéraires, supposées répondre à une authentique démarche créative et porteuses d’un discours au sens premier du terme, alors que le droit d’auteur comme le copyright s’est étendu à toutes sortes d’œuvres : de l’écriture toujours, mais des plus convenues d’abord, d’autres genres aussi où le « discours » est mal identifiable, très éloignées enfin de Kant ou de Hugo comme un panier à salade ou un stylo bille. Il ne s’agit pas de dévaloriser telle ou telle de ces créations, mais de dénoncer un discours uniformisateur et partant trompeur. ». VIVANT (M) « Le droit moral sous un regard français » in Cahiers de la propriété intellectuelle, ibid.

La violation de ces prérogatives et exclusivités d’exploitation pécuniaires constitue l’infraction de contrefaçon. La contrefaçon au sens du droit O.A.P.I., s’entend en effet de l’atteinte aux droits exclusifs issus de la propriété intellectuelle : Droits de nature patrimoniale et extra patrimoniale s’agissant de la propriété littéraire et artistique d’une part, et droits de nature spécifiquement patrimoniale s’agissant de la propriété industrielle d’autre part.

C’est ce qui résulte de la substance définitionnelle de cette notion tant dans le Lexique des termes juridiques que dans le Dictionnaire du vocabulaire juridique. Cf. GUILLIEN (R) et VINCENT (J) sous la direction de GUINCHARD (S), Lexique des termes juridiques, op. cit, voir usurpations, p. 731 ; et CABRILLAC (R.) (Sous la direction de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 1ère édition, Paris, Litec, 2002, voir usurpation, p. 273. Les législations pénales prévoient généralement au titre des infractions d’usurpation, les usurpations de fonction, d’uniforme et de décoration, de titre, ou de dénomination. En droit camerounais par exemple, c’est respectivement l’office des articles 215, 218, 219 et 219-1 de notre Code Pénal, dans sa version revue de 1996. Précisons que les usurpations visées par ces dispositions concernent singulièrement les atteintes aux garanties de l’Etat et non pas à la fortune privée, encore moins à la propriété intellectuelle.

CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 11ème édition, Association Henri Capitant, Paris, P.U.F., Quadrige, 2016, p.1057, voir usurpation.

CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op cit, p.779, voir possession.

Le terme industrie est ici prit au sens de labeur, de travail. Sur la question XIFARAS (M.), La propriété, étude de philosophie du droit, Paris, P.U.F. 2004, pp.11.

La confusion est en effet bien souvent entretenue dans l’esprit général entre contrefaçon et usurpation du fait que toutes deux portent atteintes au génie humain.

Sur le sens que nous donnons ici à la notion de « biens juridiques », on lira opportunément, NGUELE MBALLA (F.), La protection pénale de l’immatériel en droit camerounais, le cas des biens de la propriété intellectuelle, op cit,, pp.4 et s.

C’est la substance des dispositions des annexes de l’accord de Bangui sur la contrefaçon des droits de la propriété industrielle.

C’est ce qui résulte de la lecture de l’article 76 de l’annexe I pour ce qui est de l’usurpation des brevets d’inventions notamment.

Cf articles 76 annexe I, 69 annexe II, et 56 annexe X de l’Accord de Bangui.

Article 76 annexe I de l’Accord de Bangui.

Article 56 annexe X de l’Accord de Bangui.

Article 69 annexe II de l’Accord de Bangui.

Selon l’expression retenue par la doctrine, il s’agit précisément des inventions brevetées, des modèles d’utilité et des obtentions végétales. O.A.P.I., Guide du magistrat et des auxiliaires de justice, op.cit., p.14.

Pour ces dernières catégories conformément aux principes directeurs de la propriété intellectuelle ce qui est protégé c’est moins l’effort d’imagination du signe distinctif en question que la saine concurrence dans les affaires et la protection d’un élément clé du fonds de commerce du commerçant, la clientèle.

C’est ce qui ressort de l’article 4 alinéa 2 de l’Accord de Bangui.

NGOMBE (L.Y.), Le droit d’auteur en Afrique,op. cit., p.112. Ainsi que développé supra.

Article 76 annexe I de l’Accord de Bangui.

Article 56 annexe X de l’Accord de Bangui.

Article 69 annexe II de l’Accord de Bangui.

Il s’agit de la prérogative pour l’auteur d’une œuvre de l’esprit de la rendre publique ou non, et d’en préciser les modes de divulgation. NGOMBE (L.Y.), Le droit d’auteur en Afrique, ibid.

Il s’agit du droit pour l’auteur d’une œuvre de l’esprit de mettre fin à son exploitation en la retirant du marché, ou d’en apporter des modifications ou encore d’en interrompre ponctuellement la fabrication. NGOMBE (L.Y.), Le droit d’auteur en Afrique, op. cit. p.113.

Cette prérogative permet à l’auteur d’une œuvre de l’esprit d’exiger des tiers le respect de la forme et de l’esprit de la dite œuvre, en s’opposant notamment à des déformations ou mutilation. NGOMBE (L.Y.), Le droit d’auteur en Afrique, op. cit., p.112.

L’activité inventive concerne ici davantage les inventions brevetables et les modèles d’utilité.

Pour ce qui est des obtentions végétales.

Pour ce qui est des schémas de configuration et autres topographies de c


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